Hommage
Hommage de Maitre Gérard Coradin à Maurice A. Sixto
Le personnage légendaire dont nous soulignons aujourd’hui la mémoire fut pour moi, non seulement un frère, mais aussi et surtout un ami.
Nous nous connaissions vaguement à Port-au-Prince, comme il sied à des gens de même milieu, mais n’entretenant nuls rapports particuliers.
Notre prmière rencontre a été à bord de l’avion qui nous emmenait au Congo, actuellement R.D. du Congo. A notre escale à Dakar (Sénégal). Sixto descend de l’avion et se met à genoux pour baiser la terre africaine. Et en se revelant, il a eu à dire ceci : « Nous avons laissé l’Afrique dans la cale d’un négrier et nous sommes aujourd’hui retournés en Jet ».
C’est en Afrique que nos contacts professionnels nous ont rapprochés :nous avons œuvré l’un et l’autre dans le domaine de l’Education. A l’époque, début des années 60 à l’appel pressant de l’UNESCO, l’exode des « cerveaux » haitiens nous avait conduit comme tant d’autres compatriotes, vers le continent noir ou les pays francophones colonisés depuis la nuit des temps accédaient, enfin, à l’indépendance et à l’instruction.
Je veux à ce sujet ouvrir une parenthèse et indiquer modestement que l’expression « cerveaux » est employé tout simplement afin de faire écho à une formule consacrée.
La bas, donc, dans ce Congo lointain, notre belle amitié s’est progressivement cimentée faisant de l’un le confident de lautre ; de celui-ci le conseiller de celui-là, nous sommes ainsi devenus des inséparables, se réconfortant l’un et l’autre aux moments de spleen et de nostalgie inévitables.
Mais qui est-il ce Maurice Alfredo Sixto dont tout le monde parle aujourd’hui ?
Forçant sa cage Gonaïvienne jugée trop étroite, Maurice s’installe bien vite à Port-au-Prince où son sens de la convivialité et sa vive interlligence lui permettent d’évoluer dans les divers compartiments de la societé haitienne. Maurice fut, tour à tour chauffeur-guide, journaliste et éducateur. Fin observateur, Maurice a braqué lucidement sa lorgnette sur tout ce qui lui fera pénétrer l’âme haitienne. En épousant en première noces Man Toutoune je ne connais pas son nom de famille ; mais je sais que c’était une mambo il a longtemps vécu dans ce milieu social au point de prendre l’asson. Il s’est débarassé de ces pratiques supertitueuses qu’arrivé en Afrique en jetant dans le fleuve Congo et l’image qu’il adorait et la lampe « éternelle ». C’est ainsi, donc, qu’esprit ouvert et affranchi, Maurice a pu nous laisser un éventail sonore de témoignages enrichissants qui l’a catapulté incontestablement au sommet du genre humoristique et satirique haitien. J’ouvre ici une parenthèse pour dire que Maurice, doit sa fortune, employée dans le sens le plus large du mot-à mon frère Raymond qui lui a le premier suggéré de mettre ses histoires sur disques. Malheureusement, mon frère a eu un accident mortel et Maurice a su exploiter seul cette idée.
Rien de nous n’a échappé à sa perspicacité, absolument rien. Le regard pénétrant qu’il a promené autour de nous, du salon le plus huppé à la cheumière de l’arrière pays, a decelé dans leurs moindres détails : nos travers, nos hypocrisies, nos vices cachés ou déclarés, nos convoitises inavouables, nos préjugés dépassés et les bêtises des gens.
Maurice s’est révelé, par son style unique, un grand artiste, un conteur incomparable aux intonations multiples, selon qu’il s’agira d’imiter un homme, une femme, un enfant ou une personnalité politique.
Il avait le don de provoquer le rire bruyant, de susciter le sourire amusé ! Mais, il se dégageait toujours de ses histoires matière à réflexion.
J’ai admiré par-dessus tout en lui : sa sagesse, son humanisme, son mépris des signes exterieurs factices. Nous sommes restés en contact quotidien pendant près de neuf ans ; car, il dinait chez moi tous les soirs. Au début, tout le monde voulait avoir Sixto à diner. Etant son sponsor, on devait passer par moi. On se l’arrachait. Beaucoup de gens venaient chez moi ; non pas pour me rendre visite, mais pour être en compagnie de Maurice, et pour l’entendre parler.
Le respect qu’il m’a inspiré, atteint son paroxisme quand, lui rendant visite, dans l’adversité il s’était déjà installé à Philadelphie- j’ai constateé que, frappé de cécité totale, il n’en éprouvait aucune amertume. Il avait étonnament conservé stoiquement sa sérénité et son humeur habituels. Il me dira en souriant : « Le Grand Maitre l’a voulu ainsi. Il doit penser que j’en ai assez vu de belle chose… et aussi de laideurs de toutes sorte… ».
Chers amis, le voilà l’homme, dans toute sa dimension
Je garde de Maurice Sixto, un souvenir impérissable. L’hommage mérité que je lui rends en ce moment vient du fond du cœur.
MERCI
Maurice Sixto anti-corruption
FMAS-LFHH : Maurice A SIXTO, un véritable anti-corruption
Maurice A SIXTO, plus connu comme étant le père de la dénonciation du système Restavèk en Haïti, s’est révélé aussi un véritable anti-corruption à travers une bonne part de ses œuvres. Dans une conférence-débat à lePlazzaHôtel au Champs-de-Mars le 18 août dernier, il a été démontré que l’ancien Citoyen du monde avait mis l’accent sur la corruption sous toutes ses formes en Haïti.
« Notre Maurice SIXTO national : Une compréhension moderne et mordante de nos aberrations et de la mentalité qui incitent à la corruption », c’est sous ce thème que la Présidente de la Fondation Héritage pour Haïti (LFHH), Marilynn B. ALLIEN a présenté les différentes facettes exprimées par SIXTO, généralement négligées, dans sa lutte contre ce fléau : la corruption.
La conférence-débat a été introduite par la Coordonnatrice de la Fondation Maurice A SIXTO (FMAS) Gertrude C SEJOUR qui a contextualisé l’événement en précisant que la FMAS s’engage à utiliser les œuvres de SIXTO dans le cadre de la reconstruction du pays pour dénoncer les mauvaises pratiques sociopolitiques en Haïti et du même coup susciter à repenser le mental de l’Haïtien, l’image de soi, de l’autre et de son environnement.« Il est donc normal que les œuvres de celui qui justement faisait de son mieux pour combattre la corruption servent d’outil contre ce mal qui ronge notre société », a-t-elle fait comprendre.
Munie de son projecteur, Mme ALLIEN a entamé sa présentation avec un support power point pour présenter brièvement sa fondation qui est la section haïtienne de Transparency International et supportée par l’USAID. Ensuite, elle n’a pas tardé à entrer dans le vif du sujet en donnant une définition non exhaustive de la Corruption (Abus de pouvoir reçu en délégation à des fins privées), suivie des méfaits de cette dernière.
En effet, la corruption sape le développement économique, entrave le respect des droits fondamentaux, mine la qualité de vie des citoyens, invalide la suprématie du droit,érode la crédibilité et la stabilité des institutions, menace la viabilité de la démocratie, ronge la bonne gouvernance, déforme les politiques publiques,détourne les attributions des ressources, entrave l’évolution tant du secteur privé que du secteur public,et peut conduire à la criminalisation de l’Etat.
Mais surtout, la corruption frappe mortellement les plus démunis (exemple de Lea Kokoye de SIXTO). Les principales victimes en sont les populations les plus vulnérables particulièrement celles dépourvues des moyens de se défendre – les pauvres, les faibles, les innocents et les exclus. Pour expliciter ces faits, Mme ALLIEN a projeté des photos d’individus en situation infrahumaine du à la corruption en Haïti.
Bien que la forte corrélation entre la pauvreté et la corruption reste évidente, il n’est pas étonnant qu’Haïti soit classéeen 2008, par Transparency International, parmi les pays perçus comme les plus corrompus au monde. Une image que SIXTO voulait à tout prix éviter il n’y a pas plus d’une trentaine d’années. Selon certains intervenants, les œuvres du conteur sont très riches cependant demeurent jusqu’à présent inexploitées. « Nous étudions des auteurs étrangers tels que Ronsard et autres, alors que nous mettons de coté des auteurs de chez nousdont les œuvres pourraient contribuer à forger notre personnalité de jeunes citoyens haïtiens », a lancé une étudiante de l’INAGHEI de l’Université d’Etat d’Haïti (UEH).
Les débats étaient très alimentés surtout après que Mme ALLIEN ait fini d’énumérer les différents contes où SIXTO touchent la corruption :
1-« Lea Kokoye » avec pour personnages corrompus le Ministre de l’Education Nationale, Derilus, les secrétaires et Lili De Lafoukchaude. Les actes de corruption retrouvés :Favoritisme, sinécure, harcèlement sexuel.
2-« Zabèlbòk » avec pour personnages corrompus Zabèlbòk, Madan Gano et un professeur. Les actes de corruption retrouvés : Chantage, clientélisme.
3-« Ton Chal » avec pour personnage corrompu Ton Chal. L’acte de corruption retrouvé : combine. Ce sont là des contes de SIXTO dont Mme ALLIEN a vivement conseillé la lecture.
Selon Marilynn B. ALLIEN, face à la magouille (tant de la pensée que des actes) dans laquelle notre société se complaît, les intellectuels, les religieux, les éducateurs, les médias, les associations citoyennes ont un rôle fondamental à jouer pour promouvoir les concepts d’éthique, d’intégrité, de responsabilité.« L’œuvre monumentale de Maurice SIXTO mérite d’être réexaminé vu l’état de déliquescence actuelle de notre société. Le miroir qu’il place devant nous devrait catalyser une prise ce conscience collective que la survie même de notre nation dépend de sa transformation morale », a conclu Mme ALLIEN.
L’auditoire, constitué à majorité d’étudiants, a enchainé pour placer des commentaires et faire des analyses pour le moins critiques sur le sujet du jour, vu d’un œil local. En général, ils ont fait comprendre le besoin du pays de palier au problème de la corruption qui selon eux, barre la route aux jeunes également.Le Docteur Maude Jean Jumeau NAPOLEON sexologue a, pour sa part, offert un témoignage poignant de la corruption qu’elle a dénoncé aussi au sein même des familles.
Même si les deux heures imparties à cette conférence-débat semblaient largement insuffisantes, et malgré certaines failles détectées au niveau de la présentation en général, les participants ont laissé la salle Toussaint Louverture II de l’Hôtel avec une compréhension plus approfondie des œuvres de SIXTO qui attaquent la corruption en Haïti. Cette activité, dont les étudiants ont demandé au moins une reprise, est une initiative de la Fondation Maurice A SIXTO (FMAS) en collaboration avec la Fondation Héritage pour Haïti (LFHH). Apprendre l’honnêteté et la justice aux jeunes haïtiens sera un grand pas vers la constructiond’une Haïti plus juste et équitable.
Léopold CINE
Attaché de Presse
Fondation Maurice A. SIXTO (FMAS)
Maurice SIXTO vu par Victor Emmanuel Roberto WILSON
Maurice SIXTO
Choses et gens entendus (vol.6)
C’était a New York, il y a de cela cinq ans déjà ! Un soir, on me proposa de rencontrer Maurice A. Sixto qui était en visite chez des amis. Maurice, qui est-il ? M’enquérais-je. «Tu verras, m’avait-on répondu, c’est un homme extraordinaire, un grand conteur doublé d’un grand poète. Il t’en chantera. »
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Ma sœur Jacqueline avait raison. Je subis, des la rencontre avec le personnage, digne de Merlin, un enchantement immédiat. Quel rare plaisir ce fut que de rencontrer un spécimen d’une humanité en voix d’extinction, un homme de cette classe, un poète de ce talent ! Il avait cherche mes mains pour m’accueillir sitôt qu’on me présenta à lui. (Maurice Sixto a les yeux voilés.) Chaleur dans sa poigne solide, virile ! Quelle tonalité dans la voix ! Quel verbe ! Je n’avais entendu articuler la langue de Molière, avec ce léger accent haïtien, depuis tellement longtemps !
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J’avais devant moi, soudain un Alexandre Dumas père tel qu’un Maurois et un Décaux eussent aimé rencontrer s’ils eussent vécu à la même époque. Maurice SIXTO parle, raconte, dicerte, déclame et cela en français et en créole impeccables. Il y a belle lurette que je n’ai jamais entendus parler créole avec tant de finesse, de charme, de poésie et d’élégance. Depuis trop longtemps vraiment ! Quelle soirée inoubliable ! A travers Sixto je fis la connaissance des ses personnages.
J’ai été bouleversé par Léa Cocoyé et ti saint Anise. Qui d’entre nous n’a pas assisté à des scènes identiques ? C’est un plaidoyer contre la misère, contre la méchanceté, couleur locale. Toute Haiti se matérialisait dans ce living-room New Yorkais ou nous écoutions, envoutés, les mots du poète. Sixto était tour à tour spirituel incisif, descriptif, sensible, philosophe, puis-comme pris dans sa propre alchimie- il passait d’humeur à une autre et devenait triste, découragé, la voix teintée propre de désespoir.
On le détourna de ce chemin sans issue et reprenant confiance, il devint tonitruant, grandissant tel un géant il remplit la pièce de ses paroles au verbe merveilleux. La spatule du peintre redevenait, malgré l’artiste scalpel… Mais Maurice Sixto, c’est la tendresse qui se dresse contre tare qui nous écrase et menace d’anéantir l’humanité, cette tare qu’on nomme la cruauté avec toutson cortège de blasphémateurs, de flatteurs, de dépouilleurs, de vie, de dignité, d’amour, de respecter et de fraternité .
quel homme ! Fils des Gonaïves, Sixto sait de quoi dans ses veines coules le sang des titans qui ont forgé le pays d’Haiti. Hélas, depuis Hédouville, le spectre de la division de son ombre l’ancienne Saint Domingue. Elle fait de notre héritage culturel, national, ethnique, épidémique et linguistique. L’esclavage de Ti Saint-Anise est le même que celui imposé à nos pères. Il existe encore, malgré leur sacrifice.
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Sixto mène une lutte acharnée contre toutes les formes d’esclavage, tel un Don QuiChote sans lance mais pourvu d’une voix de stentor, une de ces voix qui font vibrer en nous cette corde disque et Sixto s’impose avec ses personnages plus vrais que nature. Ils surgissent des sillons, de la vibration, et vienne hanter ceux qui ont perdu tout espoir.
En écoutant Maurice Sixto, on s’abreuve à la source directe, intime d’une Haiti éternelle, d’une Haiti qui ne saurait mourir. C’est une poésie puissante qui s’infiltre en nous, car elle vient de la même semence qui jadis, comme je le soulignais, enfanta des Titans.
Ecouter Maurice Sixto, c’est sentir le sang haïtien bouillir dans ses veines, chaud, prêt à jaillir et atteindre l’au-delà de nous même.
Non, je n’ai pas jamais entendu parler créole de cette façon et depuis trop longtemps !
Victor Emmanuel Roberto WILSON ex-chef du protocole de l’assemblée nationale du Québec, Conseiller cadre au Ministère des affaires culturelles du Québec, Membre de la société des Ecrivains Canadiens, de la société des Ecrivains de la langue française (Mer et outre-mer), Membre bienfaiteur de l’Association des Amis d’Alexandre Dumas, France, secrétaire général de la confédération des associations linguistiques et culturelles du Québec, Récipiendaire de la Médaille d’Argent du Mérite de la Ville de Paris en 1977, pour sa biographie : « Le Général Alexandre Dumas, soldat de la liberté » (Distribution, Fidès, Montréal, Canada).
Québec, le 16 février 1980
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